- Types d'acteurs : Aide familiale, Aide ménagère, Infirmier.ère
- Type d'acte : Aide à la vie journalière
- Thème(s) : Confusion des métiers, Rapports de classe
- Concept(s) : Agentivité
- Lieu d'observation: Domicile
- Région d'observation: Bruxelles
- Pseudo: Mme de Longueville
- Date d'observation: undefined
- Numéro de page du livre : undefined
- Auteur du récit : Natalie Rigaux
Je passe trois heures avec Catherine chez Mme de Longueville. Lorsqu'elle arrive, elle s'attable à la cuisine – qui communique avec le salon où est assise Mme de Longueville devant la télévision – pour lire le cahier de communication et une série de messages très confus laissés par des collègues à propos de rendez-vous à prendre selon l'état de la toux de Mme de Longueville. Elle interroge celle-ci pour comprendre la situation, tout cela prend du temps et Mme de Longueville interrompt ce travail en disant :
« Vous n'étiez pas venue faire du ménage ? » Catherine essaye d'expliquer leur rôle d'intervenantes sociales, qui sont là aussi pour prendre des rendez-vous médicaux si nécessaires mais elle abandonne la partie et commence à nettoyer en me soufflant « elle ne comprend pas notre rôle ! » Nous ferons ensemble 2h30 de ménage cet après-midi-là. (…) [Plus tard dans l'après-midi] elle me dit, au moins à deux reprises, une peu dépitée me semble-t-il : « je ne vois pas ce que vous allez apprendre avec une prestation comme celle-ci ». Peut-être parce qu'elle n'est pas fière « d'une prestation comme celle-ci » (où il n'y a, en l'occurrence que du ménage à faire). (…) Elle prend soin de m'expliquer la différence avec ce que fait l'aide-ménagère, qui vient en alternance tous les 15 jours : « elle va faire plus à fond, comme les carreaux ». A part cette différence, j'avoue que je ne saisis pas trop la spécificité du rôle pour la parte relevant du ménage. »
Catherine me semble blessée par la façon dont Mme de Longueville assimile son métier à celui d'aide ménagère, la part ménagère de son métier n'étant pas celle qui lui semble la plus valorisante, d'où son regret que je n'ai pas été témoin d'autre chose que de cette part-là.
Et en même temps :
« Nous entrons dans la salle de bain : au sol, une traînée fécale et un tas d'ongles part terre. Catherine, à l'attention de Mme : « Vous vous êtes coupées les ongles ce matin, Mme de Longueville ? » « Oui, avec l'infirmière ». Moi, à Catherine : « et elle laisse tout comme ça ? » Catherine : « Ce n'est pas son boulot, comme ouvrir les rideaux, …Il y en a quand même qui le font, mais pas toutes. »
Concernant les infirmières, j'apprendrai aussi que Catherine regrette n'avoir jamais de réunions avec celles qui vont chez les mêmes bénéficiaires, qu'il n'y a donc pas réellement d'équipe inter-métier ; ou que si une aide-familiale veut communiquer quelque chose aux infirmières, il faut qu'elle téléphone au bureau (quand je suggère qu'elle pourrait écrire un message dans le cahier de communication infirmière, elle me dit un « non ! » horrifié.).
C'est donc aussi par des pratiques infirmières que Catherine peut sentir la faiblesse de la position de son métier dans la hiérarchie des soins : l'infirmière peut laisser la salle de bain en l'état après la toilette (même si certaines montrent plus d'égards)[1], la communication entre les métiers n'est pas facilitée et accéder au cahier des infirmières semblent un tabou.
Entre une bénéficiaire qui – comme beaucoup – la considère comme une aide-ménagère et des infirmières qui ne prennent pas le temps d'un rangement minimum des résidus corporels (ne s'y abaissent pas ?), la position de l'aide-familiale m'a parue bien fragile et difficile à vivre cet après-midi-là. Cela n'a pas empêché Catherine de manifester par ailleurs un fort attachement à son travail.
[1] Vu que ce type de questions apparaît régulièrement sur le terrain, on remarquera ici le bel esprit de collégialité de Catherine qui défend plutôt ses collègues (j'ai entendu des discours beaucoup plus musclés chez des aide-familiales d'autres OSD).