- Types d'acteurs : Chef.fe d'équipe, Proche, Voisins
- Type d'acte : Activité
- Thème(s) : Institutionnalisation, mauvaises relations personne aidée/proche
- Concept(s) : Agentivité, Système d'agentivité
- Lieu d'observation: Maison de repos
- Région d'observation: Bruxelles
- Pseudo: Mme de Longueville
- Date d'observation: undefined
- Numéro de page du livre : undefined
- Auteur du récit : Natalie Rigaux
Dans le contexte d'un entretien très chargé en agressivité contre Mme de Longueville, sa belle-fille me dit, d'un air mauvais : « On attends la prochaine chute ». Je demande :
« Pourquoi ? pour pouvoir augmenter les services ? » Elle : « Oui ! On n'a pas d'aide du médecin qui trouve que tout va super bien ! On n'est pas aidé ! »
La cheffe du service d'aide-familiales m'expliquera à propos de celui-ci :
« Le médecin n'est pas assez interventionniste du point de vue des enfants. C'est quelqu'un de très respectueux des personnes. Il ne prend pas beaucoup de décisions dans le sens du placement. Il est très tolérant par rapport aux comportements des personnes. »
C'est de fait à la suite d'une hospitalisation que la famille va institutionnaliser Mme de Longueville.
J'en apprends davantage lors de mon dernier contact avec la responsable de l'équipe infirmière, en juin 2012. Elle m'indique :
« Elle a été hospitalisée pour des raisons sociales et ne reviendra normalement pas au domicile. Mais ce n'est pas sûr vu qu'elle a dit que si on la mettait en MR, elle s'échapperait. Les voisins se plaignent que quand elle tombe et qu'ils appellent l'ambulance, elle refuse d'y monter. Parfois, elle erre. » Moi : « elle est en danger au domicile ? » La cheffe : « non, c'est plutôt les plaintes des voisins. Aussi, comme elle est très renfermée, elle n'attire pas beaucoup les sympathies. »
Lorsque je rencontre la responsable des aide-familiales, je lui en demande davantage :
« Pour moi, la situation ne s'était pas aggravée lorsqu'elle a été placée, on aurait pu faire d'autres choses. Mais comme Mme avait un tempérament à refuser, les enfants ont présenté comme « revalidation » ce qui était un placement. »
Un nouvel acteur apparaît dans ce dernier acte, « les voisins », caractérisés par le même manque de sympathie que les protagonistes, tant professionnelles que proche rencontrés par ailleurs. Dans la mesure où ce n'est pas eux qui pourraient seuls conduire à une institutionnalisation, la famille est donc intervenue pour profiter de cette nouvelle hospitalisation pour forcer le placement, sous couvert de « revalidation ». En dépit de sa détermination à refuser le placement, Mme de Longueville a perdu la partie.
Pourquoi l'a-t-elle perdue ? Revenons d'abord à la difficulté objective de sa position : elle n'a pas de (conjoint) cohabitant et pas d'enfants qui, fut-ce à distance, soient fortement investis dans le soin. Ses trois fils (dont un vit aux Etats-Unis) ne sortent pas d'une vision très genrée de la répartition du travail du soin, sa seule belle-fille (en Belgique) est sans bienveillance à l'égard de sa belle-mère. Aucune professionnelle ne va particulièrement s'investir dans le soin à Mme de Longueville[1]. Celle-ci ne parvient pas à s'attirer les sympathies de intervenantes ou des voisins : parce qu'elle est renfermée, taciturne ? qu'elle n'assume pas une incontinence fécale ? qu'elle ne se laisse pas faire quand une proposition de soin ne lui convient pas ? Ce sont les différents traits recueillis pendant mon enquête qui semblent avoir heurté les intervenantes. Le fait qu'ils puissent être en partie liés à la pathologie de Mme de Longueville (les suites d'une grave dépression, une démence frontale) ne semble pas avoir aidé les professionnelles à les dépasser pour la rejoindre ou tenter de s'en rapprocher[1] On a vu à l'inverse qu'une aide-familiale chez Mr Plissart, ou l'infirmière chez Mr Bellens, ou certaines gardes chez Mme Alvaro servent à certains moments de relais des proches non cohabitants voire même, de substitut aux familles défaillantes, ce qui facilite la poursuite de la vie au domicile (non sans un certain nombre de difficultés, comme on l'a vu dans les différentes situations qui viennent d'être citées).