10. Des aide-familiales en difficulté   (Chapitre 9)  Imprimer
Résumé
La situation d'un jeune homme diagnostiqué comme autiste, vivant seul au domicile, avec différents intervenants dont deux passages par semaine de l'équipe des aide-familiales est discutée pendant deux réunions de cette équipe : comment les aide-familiales peuvent-elles soutenir ce jeune dont l'attitude et le mode de vie les désarçonnent ? Le travail collectif permis dans ces deux moments d'équipe peut être analysé à la lumière du chapitre 9.
Description
  • Types d'acteurs : Aide familiale, Assistant·e social·e, Chef.fe d'équipe, Psychologue
  • Type d'acte : Réunion d'équipe
  • Thème(s) : Indépendance, Manière de voir et de vivre avec la personne
  • Concept(s) : Agentivité, Capital émotionnel, Récit, Ressource du collectif soignant
  • Lieu d'observation: Domicile
  • Région d'observation: Bruxelles
  • Date d'observation: 2012/2013
  • Numéro de page du livre : undefined
  • Auteur du récit : Natalie Rigaux
Contexte
Les deux récits sont extraits de deux réunions d'une même équipe d'aide-familiales, organisées en l'occurrence à un an d'intervalle, autour d'une même situation qui met l'équipe en difficulté : lors de la première réunion, seule l'assistante sociale et les aide-familiales de l'équipe échangent ; la seconde s'organise autour de la présence d'une psychologue d'une association spécialisée dans l'accompagnement de personnes autistes, venue pour aider l'équipe à faire face à une situation qu'elle juge comme difficile.
Contexte Méthodologique
J'ai suivi 4 réunions de la même équipe, dont on suit dans le récit 2 moments différents à propos de la même situation.
Vignette

1ère réunion

AF1 : Monsieur X, il est très perturbé

L'assistante sociale (AS) : oui, par mon passage. J'ai voulu remettre du cadre. Une AF ou deux s'étaient plaintes. J'ai été voir la psy d'Entre mots. Elle voulait faire une réunion avec lui : c'est une autre démarche. Deux AF avaient peur : elles le trouvaient hautain. Lui a cité le nom d'une AF. J'ai dit le mot « psychiatrie », je n'aurais pas dû, il est devenu furieux. Moi, je ne connais pas le nom de sa maladie.

(Une AF dit : c'est un syndrome d'Asperger. S'ensuit un débat assez confus autour de cette situation…)

AS : il m'a dit : « je parais irrité, je ne suis pas irrité »

AF 2 : il est irrité ! Quand tu arrives chez lui, tout est par terre, des tasses cassées, de l'huile renversée…

AS : il a demandé qu'on le guide : « c'est ça que je vous demande, pour m'aider à avancer » ; il m'a dit : « j'ai mal partout ». Moi, c'est une situation qui m'interpelle : un appartement sans chaleur, pas de table, pas de chaises…Comme il mange ?

AF1 : pour moi, par terre, il y a quelque chose qui se passe. Avec ce Bouddha. Il cherche de l'aide là-dedans.

2ème réunion (un an après, la même équipe avec une autre cheffe d'équipe ; une psychologue d'une ASBL spécialisée dans l'accompagnement d'autistes a été invitée à la réunion ; une petite heure va être consacrée à la discussion de la même situation, qui pose toujours problème à l'équipe).

Psy : la demande de Mr X, c'est de développer son autonomie en fonction de ses besoins. Il est très en demande pour pouvoir s'organiser, gérer sa maison, qu'elle devienne vivable. Qu'est-ce que vous faites avec lui ?

Le chœur des AF : du rangement, du nettoyage.

Psy : l'appartement est dans un état déplorable !

Un brouhaha s'élève qui défend le travail accompli : « moi, je ne connais pas cette pathologie, je fais ce qu'il me demande »

AS : à sa demande, on n'y va que 2X2h, parce que 3, c'est trop pour lui

Psy : comment vous faites ? Vous lui demandez : « qu'est-ce que vous voulez faire aujourd'hui ? »

AS : on est très en demande de conseils sur des manières de faire

Psy : je peux vous donner quelques pistes générales quand on parle d'autisme. Il y a des troubles d'organisation et de planification, des difficultés à prendre des initiatives, à agir dans la spontanéité. Je dirais plutôt : « Tiens, si on commençait par aspirer ». Et voir si ça lui convient. Autre chose qui peut l'aider, c'est de ritualiser les choses. Par ex : tous les lundis, c'est la vaisselle. S'il est d'accord, alors le prochain lundi, il commence sans vous. En voyant l'appartement, je me suis dit : « mais comment font les voisins ? Et comment vous supportez ? »

AF1 : comme intervenante au domicile, on respecte aussi leur façon de vivre. Notre objectif n'est pas que tout soit propre.

Psy : Il faut dire que ce sont des personnes très intelligentes, mais qui n'ont aucun sens pratique. Il faut leur expliquer scientifiquement ce que nous faisons instinctivement.

La discussion se poursuit autour des manières de faire.

Psy : c'est un Monsieur qui est vraiment en attente de soutien. Il a pris plein d'initiatives alors que c'est très difficile pour lui. Et si on remettait les compteurs à 0, en remettant l'appartement en ordre pendant 2 jours ?

Cette proposition ne prend pas et la psy laisse tomber.(…) Un peu plus tard : « vous y allez tous azimuts en fait ? »

Une AF : ce qui est dur avec Jules (prénom modifié), c'est qu'il faut lui expliquer comme à un enfant, et que ça ne sert à rien. Par ex : comment plier un T-Shirt…mais il ne sait toujours pas

Psy : il y a aussi dans l'autisme des problèmes de coordination motrice. Là, il faudrait peut-être choisir la facilité : pendre les T-shirts(…)

AF1 : il y a aussi des problèmes d'hygiène.

Psy : c'est quasi systématique. On peut peut-être retenir cet aspect-là pour nous et lui donner des outils à ce niveau-là, et vous, vous travaillez avec lui sur l'entretien de l'appartement ? (…)

Un brouhaha de contentement final clôture ce moment de réunion : « nous, on est demandeuse pour que vous reveniez ». L'AS reprend RV pour un passage lors d'une prochaine réunion.