« Le voisin, c’est la meilleure et la pire des choses »   (Récits supplémentaires)  Imprimer
Résumé
Une garde raconte les interventions du voisin d'une personne en début de maladie d'Alzheimer. Il l'a à la fois beaucoup aidée mais intervient de façon intrusive vis à vis des professionnelles. Cette situation offre un contraste intéressant avec les « aidants improbables » décrits au chapitre sept (dont des voisins, cf 7.8), où n'apparaissaient que des facettes favorables de leurs interventions.
Description
  • Types d'acteurs : Chef.fe d'équipe, Garde à domicile, Proche
  • Type d'acte : Réunion d'équipe
  • Thème(s) : Aidant improbable, sans proche cohabitant, Tension professionnel/proche
  • Concept(s) : Récit
  • Lieu d'observation: Réunions en dehors du temps de soin
  • Région d'observation: Wallonie
  • Date d'observation: 12/05/12
  • Auteur du récit : Anne Piret
Contexte
Observation d'une réunion d'équipe de gardes, opérant dans une OSD offrant par ailleurs différents services d'aide à la vie journalière. La réunion rassemble 16 gardes, dont un homme et la cheffe d'équipe. Le premier temps de la réunion (qui dure 4h de façon mensuelle) est consacré à l'ajustement des horaires en fonction « des demandes des familles », viennent ensuite « un temps pour présenter les nouvelles demandes, un temps pour entendre le retour des premières fois, un temps pour les situations en cours (selon les explications de la cheffe en début de réunion, à mon intention). C'est à ce dernier temps qu'appartient l'observation relatée. L'équipe peut compter sur l'intervention d'une psychologue pour une intervision en cas de situation plus lourde. La cheffe d'équipe est infirmière sociale de formation : après un début de carrière à l'hôpital, elle s'est réorientée vers l'OSD où elle travaille aujourd'hui suite à la naissance de ses enfants et à sa « frustration par rapport à l'aspect social à l'hôpital. (…) C'est plus riche de rencontrer les gens chez eux. ».
Contexte Méthodologique
J'ai suivi une réunion de cette équipe de garde et mené un entretien avec sa cheffe, dans le cadre d'une recherche où je suivais des situations de personnes « démentes » vivant à domicile avec des proches et des professionnelles, une des personnes rencontrées étant suivie par l'équipe en question.
Vignette

Une des gardes évoque les difficultés avec Madame, qui apparemment est en début de maladie d'Alzheimer. « Par exemple, pour mettre sa chemise de nuit, Madame pense encore qu'elle va y arriver toute seule… alors, il y a des couacs… Le voisin est intervenu pour demander qu'on reste jusqu'à ce qu'elle ait mis sa chemise de nuit. Mais Madame ne veut pas se mettre en chemise de nuit si tôt dans la soirée. Le voisin a téléphoné au service pour dire que ce n'était pas normal qu'il ait du aller l'aider à dégrafer son soutien et changer sa petite culotte. Mais d'un autre côté, si on reste longtemps, il dit qu'on exagère, qu'on ne sert à rien… Il veut qu'on la fasse absolument manger aussi, mais je ne vais pas la gaver, moi ! Mais si elle ne mange pas, il semblerait qu'elle se relève la nuit. C'est ce que dit le voisin. C'est le voisin qui décide. Le voisin, c'est le meilleur et la pire des choses. C'est vrai que pour elle, ce voisin, c'est un cadeau, il l'a beaucoup aidée. Mais pour nous !! Il contrôle, il vérifie l'heure, ce qui a été fait… », « Il faudrait que le voisin accepte de ne pas venir quand il y a des AF ou des gardes ». A propos de l'ajustement des horaires, la cheffe interrompt le débat [qui tournait autour des besoins des gardes et du voisin] : « Bon, idéalement, pour Madame, qu'est-ce qui est mieux ? On va essayer de se recentrer sur les besoins de Madame. C'est quand même les besoins de Madame avant les besoins du voisin. Si le voisin téléphone, je lui expliquerai que c'est nécessaire pour le confort et la sécurité de Madame. On prévoit donc 20h, et puis on réévaluera.». « C'est quand même usant, quand on est là une demi-journée, d'écouter ses ramages pendant 1h30 ! Pourquoi on y va, s'il fait tout ? ». « C'est souvent ambigu, les demandes des proches… »