- Types d'acteurs : Proche
- Type d'acte : Activité
- Thème(s) : Stimulation
- Concept(s) : Expérience, Micro-politique des troubles
- Lieu d'observation: Domicile
- Région d'observation: Bruxelles
- Pseudo: Mr Soupot
- Date d'observation: octobre 2011/août 2012
- Numéro de page du livre : 0
- Auteur du récit : Anne Piret
[1er entretien au centre de jour avec Mr et Mme] Monsieur va au Centre de jour (deux fois par semaine. Il participe aussi une fois par semaine aux activités d'un projet –pilote dans un hôpital de jour mais son cycle se termine bientôt. Est-ce important, ces activités ? « On essaie de faire travailler ce qui ne travaille plus. J'ai remarqué qu'il y a en général surtout des femmes. Je dis bonjour, j'essaie de travailler pour que ça aille mieux… enfin, mieux … Je vois aussi que je ne suis pas le plus malade du monde. Je fais une plaisanterie». Madame : « On maintient le maximum de ce qu'on peut maintenir, et puis c'est aussi une vie sociale. Et ça me permet de souffler », « Oui, parce qu'avec moi, elle a du boulot ! ». Je demande qu'on m'explique cela : « Elle est toujours sur le qui-vive. Elle surveille dès que je fais quelque chose, parce que ça m'arrive de faire des petites bêtises. On ne retrouve plus où j'ai mis les choses ». Madame : « ça devient ultra rare de rester seul, et je ne lui demande plus de tâches. Pour le reste, on a une vie à peu près normale. J'ai étiqueté les armoires (il s'occupe de la vaisselle, c'est toujours lui, depuis toujours). »
Comment ça se passe avec le personnel du Centre de jour ? « Ça se passe bien, elles me donnent de petites responsabilités, on a de très bonnes relations. J'essaie de me rendre utile, de mettre de la bonne humeur. ».
[lors de l'entretien avec Mme Soupot, chez elle en juin 2012] « On est retournés chez la neurologue le 23 mai, elle aussi, elle m'a dit : « Ouf, oui, ça évolué, je ne l'avais encore jamais vu comme ça ». Il lui a posé dix fois la même question. Ce qui est sûr, malheureusement, c'est que la maladie évolue assez vite, et il ne réagit pas bien à la médication. Par exemple, l'an dernier, aux congés scolaires, je lui avais acheté des mots croisés pour les enfants, d'un niveau dix ans, environ. Il aimait bien ça. Maintenant, c'est fini, il n'y arrive plus. Pour lui, c'est un échec en plus. C'est le pourquoi de l'achat de cette tablette. C'est une idée de mon fils. Je lui ai dit : « Montre-moi d'abord, parce que c'est un fameux budget ». Il m'a montré sur sa tablette quelques applications, et j'ai dit oui tout de suite. C'est beaucoup plus intuitif, il n'y a pas besoin de coordonner l'écran et la souris, on manipule avec son doigt. Pour les jeux, on est passé de 11-12 ans à un niveau d'école maternelle. On va sur « Happy neurones », aussi. Ce sont des exercices pour faire travailler le cerveau. Il y a aussi les jeux pour les petits, avec des papillons à apparier, des trucs comme ça. J'avais peur qu'il trouve ça gaga, mais il adore ! … parce que ça, il sait faire. Dans les exercices « chercher l'intrus », il a même un peu progressé. C'est bien dommage qu'on n'ait pas d'aide pour tout ça. A la Ligue Alzheimer, ils ne sont pas au courant de grand-chose ! J'ai été recontactée par un médecin de l'hôpital de jour de Ste Thérèse, parce qu'on était retournés dire bonjour à l'équipe (j'aime bien qu'il continue à voir des gens qu'il connaît), je leur avais montré la tablette, et une des infirmières m'a recontactée pour me demander les noms des applications. La tablette peut aussi remplacer le téléphone (il y a une application avec des numéros préencodés, parce qu'utiliser le téléphone, ça, il ne sait plus). S'il m'arrive quelque chose… je le fais répéter tous les jours, pour qu'il soit capable, sinon, ça risque de se perdre. C'est des routines à maintenir. »
[août 2012, au centre de jour] Je décide de passer cette journée avec Monsieur Soupot, qui va à l‘atelier peinture. Monsieur Soupot parle toujours beaucoup de sa maladie, il m'explique longuement les diverses attentions de sa femme … qui le frustrent : marcher côté maisons sur le trottoir, ne pas aller seul arracher les mauvaises herbes, etc. « Mais je comprends, on lui a sûrement dit de faire comme cela avec les gens comme moi. Ça a surement une bonne raison. » Il rencontre les mêmes frustrations au Centre : « on est allés se promener sur le marché, mais on s'est fait disputer, parce que moi, je peux aider les personnes qui marchent difficilement, mais on ne peut pas me compter comme accompagnateur, je ne ferais pas attention assez s'il y a un danger, je n'aurais peut-être plus les bons réflexes, alors on n'était pas assez nombreux ».