- Types d'acteurs : Aide soignant.e
- Type d'acte : Activité
- Thème(s) :
- Concept(s) : Institution totale, Rites d’interaction
- Lieu d'observation: Centre (de soins) de jour
- Région d'observation: Bruxelles
- Pseudo: La Rivière
- Date d'observation: décembre 2011
- Numéro de page du livre : 181
- Auteur du récit : Natalie Rigaux
Alors qu'à la Rivière, la cuisine est ouverte sur la salle de séjour où se tiennent les personnes accueillies, j'observe que nulles d'entre elles n'y entrent et ne sont invitées à le faire, comme si une frontière invisible en limitait l'accès. Une table située un peu à l'écart du centre de la salle est celle réservée au temps de midi des soignant·e·s, avec néanmoins des exceptions, comme lorsque Mme Donckers qui bougeait pendant l'heure de la sieste a été invitée par Marc à s'y asseoir avec une revue. Le bureau de la directrice, situé dans la maison de repos mais en dehors du centre lui-même, n'est jamais occupé par les personnes accueillies ni par d'autres professionnel∙le∙s. Sauf pendant les activités, les soignant·e·s se mêlent peu aux personnes accueillies. Cela me frappe beaucoup le premier jour de mon arrivée. Pendant tout le temps de l'accueil (de 9 à 10h30) où la télé marche en permanence, seule une bénévole et moi sommes assises avec les personnes accueillies pour bavarder avec elles, alors que les deux soignantes présentes ce jour-là discutent à la cuisine. J'observerai le même phénomène à plusieurs reprises. C'est parfois même pendant l'activité que les soignant·e·s se mettent à discuter entre eux·lles, comme par exemple en décembre 2012. Vers 10h15, on éteint la télé, on met les chaises en cercle… et les soignant·e·s se mettent à bavarder, essentiellement entre eux·lles : Sylvie (l'ergo) raconte, de façon amusante, mais en s'adressant aux autres soignant·e·s, une chasse aux souris dans son appartement, puis le voyage que Mariella (une aide-soignante) et elle ont fait à Rome. Pendant ce temps, une dame tricote, une autre peint des figurines (ce qu'elle fait beaucoup en centre), la troisième dort, une dernière a l'air de suivre. Deux personnes nouvellement accueillies sont complètement hors du coup, l'une des deux est inquiète et proche de la colère. La première demande à la seconde : « Vous connaissez ces gens ? » L'autre : « Non, je ne connais personne, c'est mon médecin qui m'a placée ici. » Sa voisine lui explique dans un discours très confus que ce sont ses parents qui l'ont amenée. Les quatre soignant·e·s continuent à parler entre eux·lles, sans associer les personnes accueillies ni se préoccuper du fait qu'elles ne suivent pas la conversation, voire, manifestent leur anxiété.
Rappelons que dans « Asiles » [1968], E.Goffman considère la limitation des contacts entre « reclus » et « surveillants » comme une des caractéristiques des « institutions totales ».