6. Elise, une aide-ménagère inoubliable   (Chapitre 7)  Imprimer
Résumé
On découvre comment Elise, l'aide-ménagère de Mme Pieters développe une relation de qualité avec celle-ci et trouve du sens à son métier en accomplissant plus de tâches que celles qui lui sont imparties.
Description
  • Types d'acteurs : Aide ménagère
  • Type d'acte : Ménage
  • Thème(s) : Confusion des métiers
  • Concept(s) : Gouvernante, Quatre temps du "care"
  • Lieu d'observation: Domicile
  • Région d'observation: Bruxelles
  • Pseudo: Mme Pieters
  • Date d'observation: décembre 2011/mars 2012
  • Numéro de page du livre : 172
  • Auteur du récit : Natalie Rigaux
Contexte
Mme Pieters vit à la périphérie d'une petite ville wallonne, dans un quartier de maisons trois façades semblant dater de l'après-guerre. C'est « depuis toujours » (c'est-à-dire, quelques années après son mariage) que Mme Pieters vit là, d'abord avec son mari et leurs sept enfants, puis seule depuis son veuvage et le départ des enfants. Son mari a été « simple employé » de la fonction publique, puis a gravi les échelons, ce qui lui donne accès à une pension confortable. On sent dans ses propos une imprégnation par le monde catholique : elle a été dans une école catholique, ses enfants ont été aux scouts catholiques, elle cultive un sens du don marqué par la tradition chrétienne. Elle a 83 ans lors de notre première rencontre en décembre 2011. Cela fait alors deux ans que suite à une hospitalisation (pour cause de mauvaises prises de médicaments), elle a reçu un diagnostic de maladie d'Alzheimer. Depuis, différentes aides professionnelles se sont progressivement mises en place : une infirmière pour veiller à la prise des médicaments et faire la toilette tous les matins ; un service traiteur tous les midis ; des aides familiales deux fois par semaine pour les courses et la mise en route du matin ; un centre de jour deux jours par semaine ; une aide-ménagère une fois par semaine. Par ailleurs, certains de ses enfants interviennent activement : Jacques, un des fils de Mme Pieters, passe tous les soirs, une de ses filles deux fois par semaine et elle va souper un soir par semaine chez un autre de ses fils. Jacques est la personne de contact des services présents chez sa mère, ce qui on le devine n'est pas rien vu leur nombre et l'ajustement régulier nécessaire, lui également qui est en première ligne pour repérer les problèmes et les solutions à mettre en place. Il est rare qu'un fils soit ainsi en première ligne de l'aide.
Contexte Méthodologique
Je rencontrerai Mme Pieters à quatre reprises entre décembre 2011 et juillet 2012 (avec ses filles, le kiné, deux aides familiales différentes). J'assisterai à une réunion de l'équipe des aides-ménagères, des infirmières et des aides familiales qui interviennent chez elle. Je rencontrerai son fils Jacques pour un entretien. Elle sera institutionnalisée en septembre 2012, suite à une décision de ses enfants ayant fait l'objet de multiples discussions et de tensions dans la fratrie.
Vignette

Alors que Mme Pieters a du mal à accepter l'aide de qui que ce soit (en particulier de ses enfants), elle me parle d'Élise avec une touche de satisfaction dans la voix : « Elle est chez elle ici. C'est elle qui dit ce qu'il faut faire. Moi, je suis très contente qu'elle vienne et elle, elle est très contente de venir chez moi. Ce matin, elle a mis mes bas, c'était vraiment gentil. » De son côté aussi, Élise aime beaucoup aller chez Mme Pieters, heureuse d'essayer que « tout soit confortable pour elle » comme elle le dira en réunion d'équipe. Elle y explique ce qu'elle y fait : « Elle devient plus confuse, confond parfois le jour et la nuit. Elle a parfois des problèmes d'incontinence, alors, je fais moi-même des lessives. Sinon, elle met tout comme ça [avec des selles] dans la machine. Alors je prends des initiatives. » La responsable d'équipe : « Des lessives ? C'est aux aides familiales à le faire ! ». Élise : « Avec moi, elle est habituée. Cela passe mieux. L'autre jour, elle était à moitié habillée, elle ne savait plus où elle était. Après 30 minutes, ça allait mieux. Depuis 3 semaines, j'en ai parlé à la famille ; il y a des petites choses qu'elle accepte de moi. Quand j'en ai parlé à sa fille, l'ennui, c'est qu'elle était là. Je ne voulais pas la dégrader, l'humilier en parlant trop clairement. (…) Quand j'arrive, je mets de la crème sur ses pieds, puis je mets ses bas ; ce sont de petites choses. Avec elle, si on l'écoute, alors ça passe. »

Comme on l'avait vu avec Khadija, l'aide-ménagère des Levesque (voir chapitre 1), une conception intégrée de l'aide permet à l'aide-ménagère de prendre des initiatives et de donner sens à son travail, en oubliant de parler de l'entretien ménager, sa fonction principale. Cet investissement particulier d'Élise n'a rien à voir avec la prise de pouvoir des gouvernantes : c'est avec délicatesse qu'elle intervient auprès de Mme Pieters, c'est bien avec elle et non avec les proches que s'est nouée la relation. Ceux·lles-ci sont très reconnaissant·e·s du rôle qu'elle joue auprès de leur mère mais n'en sont pas les initiateur·trice·s. Des informations circulent qui permettent de mieux cerner les difficultés évolutives de Mme Pieters, Élise contribuant ainsi au taking care about.