Résumé
Après que Mme Landuyt et sa fille aient échangé à propos de la façon dont chacune d'elles vit le change et la mise au lit par Lauranne (p. 115), Mme Landuyt m'explique comment les toilettes se passent avec les infirmier·ère·s. Si la mise au lit par sa fille pose de délicats problèmes de pudeur, celle effectuée par les professionnel·le·s n'est pas pour autant respectueuse de ses préférences. La dimension intersectionnelle de la vignette est explorée à partir de la p.121.
Description
- Types d'acteurs : Infirmier.ère
- Type d'acte : Toilette
- Thème(s) : Racisme, Respect des préférences
- Concept(s) :
- Lieu d'observation: Domicile
- Région d'observation: Bruxelles
- Pseudo: Mme Landuyt
- Date d'observation: 13/09/2013
- Numéro de page du livre : 117
- Auteur du récit : Natalie Rigaux
Contexte
Mme Landuyt habite une coquette maison bel-étage, avec un petit jardin, dans un quartier tranquille et arboré du Sud-Est de Bruxelles . Elle a 88 ans quand je la rencontre. Elle a occupé des emplois de secrétaire, puis a aidé son mari qui était un entrepreneur indépendant et a eu trois enfants : Lauranne, l'aînée, et deux fils. A la mort de son mari, elle a développé une intense activité bénévole jusqu'à ses 80 ans. Sa fille est secrétaire médicale et prendra sa pension un an après le début de l'enquête.
Un an avant notre rencontre, Mme Landuyt a fait un accident vasculaire cérébral (AVC) la laissant avec une hémiplégie du côté gauche à la suite duquel elle est hospitalisée pendant trois mois sans que la revalidation ne lui ait permis de regagner en mobilité (elle ne peut quitter le fauteuil). Elle insiste alors pour rentrer chez elle, contre l'avis de l'équipe médicale mais soutenue par sa fille. Au moment où je la rencontre, des infirmières passent deux fois par jour, pour la lever (vers 10h) et la mettre au lit (à partir de 16h30), avec une toilette et un changement de protection. Elle passe la journée dans un fauteuil roulant placé à côté du lit médicalisé qui a été installé contre la fenêtre du salon donnant sur la rue. De 9h à 12h, une aide-ménagère titre-service (voir Annexe) entretient la maison tout en se révélant être une présence importante pour Mme Landuyt dont la fille travaille encore à plein temps (jusqu'en septembre 2012).
Contexte Méthodologique
J'ai été présente chez Mme Landuyt lors de dix séances de kiné (d'une durée de trente minutes environ, se prolongeant par un temps de conversation avec elle, et sa fille lorsque celle-ci a pris sa retraite) entre le 6 septembre 2011 et le 16 avril 2015 et mené trois entretiens en septembre 2011 (avec Mme Landuyt, sa fille et le kiné). J'ai participé à une réunion de l'équipe infirmière intervenant chez elle et donné de multiples coups de fil à Lauranne et Luc (pour arranger des moments de rendez-vous, prendre des nouvelles ou poser des questions à propos de la séance passée). Le dernier appel a été celui de Lauranne pour m'annoncer le décès de sa maman, en juin 2015. Je l'ai recontactée en janvier 2017 pour lui proposer une première analyse de mes observations, suite à quoi nous nous sommes rencontrées une après-midi pour qu'elle me fasse part de son feed-back. J'ai également transmis à Luc la partie du texte concernant les soins de kiné.
Vignette
Lors de la visite où nous avons échangé à propos de la mise au lit par sa fille, Mme Landuyt me parle à ma demande de la façon dont les toilettes infirmières se passent : « Ça dépend. Chacun fait à sa manière. Paco, un infirmier africain – tout le monde n'est pas d'accord de l'avoir – il me met toute nue, au lit, et commence par les pieds ! A l'envers ! Mais après, je suis propre, il frotte fort ! » Comme j'ai perçu dans ce « toute nue » un désagrément pour Mme Landuyt, je demande : « Vous ne lui dites ça que ça ne vous plaît pas, comme ça ? » Mme Landuyt : « Vous savez, c'est un machiste ; chez lui, c'est lui qui commande, alors ici, c'est la même chose, il n'écoute pas. » J'apprends que les infirmières choisissent plutôt de laver madame pendant qu'elle est sur la chaise percée. Lauranne : « Bon, évidemment, ce n'est pas très agréable non plus mais au moins, ça laisse le temps à maman [de faire ses besoins] ».
Dans les deux modalités de toilette rapportées, ce qui compte pour Mme Landuyt ne semble pas faire le poids par rapport aux habitudes des soignant·e·s, chacun·e faisant « à sa manière » indépendamment de ses préférences.